Sculpture.

Moi, sculpteur, je reste humble, heureux de contribuer, avec la grâce que j’ai reçue, à modeler les visages de la pierre. Chacun est unique, parce que chaque pierre raconte une histoire. Il m’appartient, il vous appartient, si vous m’accompagnez dans cette aventure, de trouver celle qui vous est destinée. Moi, je sculpte sans cesse, en pleine nature, j’ai dans mon camion tout ce qu’il faut, mes outils, je suis un sculpteur itinérant, je vais de place en place, sur les marchés, les foires, je conduis mes œuvres à la rencontre de leurs futurs possesseurs, vous, bientôt peut-être ?

Sculpter, pourquoi, pour qui ?

Qui, à la vue d’une statuette en bois, en ivoire, en marbre n’a pas l’irrésistible envie de la prendre dans sa main, de suivre du doigt, puis des dix doigts de ses mains les courbes de l’objet, ses pleins et déliés ? La sculpture, toute sculpture, de la plus petite à la plus géante, suscite après le sens de la vue celui du toucher. Le besoin, le plaisir, le délice du toucher, comme si une œuvre pouvait se posséder après s’être laissée voir et admirer.

Pour sculpter, il faut des outils et si l’homme a mis longtemps à les acquérir, ces outils qui le font entrer dans l’Histoire, dès qu’il les a eu trouvés, ce ne fut pas seulement pour faire du feu, construire un abri qu’il s’en servit. Non, la pulsion, l’intuition, le génie de l’art guidaient sa main, l’inspiraient, la conduisaient. Ainsi il ne fait aucun doute que la sculpture vient de très loin, du fond des âges. Avec la peinture, la musique, elle témoigne du sentiment artistique qui caractérise l’homme dans la création. L’Antiquité porte au sommet cet art qui consiste à prolonger l’idée, la pensée, la vision par l’outil, aboutissement unique de la main. La statue de Zeus, sculpture de Phidias, aujourd’hui disparue, n’était-elle pas une des merveilles du monde antique ? Plus tard, à la Renaissance, Donatello, Michel-Ange, Le Bernin émerveillent par leur talent sans égal et encore plus tard, Rodin, et puis Giacometti et Calder, Henry Moore et Niki de Saint-Phalle et aujourd’hui Jeff Koons, Louise Bourgeois …

La sculpture est éternelle…

Sculpter, c’est accompagner l’homme d’âge en âge, depuis l’aube des temps, dans tout pays, à chaque génération, c’est prolonger l’homme et l’incarner dans la matière, dans un monde tridimensionnel, intemporel. Dans l’espace-temps. La sculpture est universelle. Le sculpteur, lui, est cet artiste héritier d’un besoin atemporel, celui de transmettre, par les formes qu’il crée, la pensée, l’idée vivante qu’il porte en lui, comme le peintre son tableau, le musicien sa symphonie. Besoin immanent de l’artiste, création et incarnation du et dans le monde qui l’entoure, ici et maintenant.

Cette matière que la sculpture fait sienne est bien évidemment multiple, elle fait d’abord appel à un sens primordial, le toucher. Glaise, terre, matière molle, mais aussi bois, matière malléable et enfin pierre, matière dure, de la dureté des pierres dites précieuses, pierre issue de la terre, du marbre noble et rare des carrières, du jade mystérieux. Le sculpteur a en partage toutes ces matières offertes et sans doute, lorsqu’il exerce son art, son geste rappelle-t-il celui de l’enfant heureux de tremper ses mains dans la boue, avide de pétrir cette terre humide et de lui donner une forme. Et comment pourrait-il oublier que la Genèse dit que le Seigneur forma l’Homme à partir de la poussière et lui insuffla la vie ? Du petit enfant qui modèle la terre à l’homme né de la poussière, le geste du sculpteur se définit comme un geste divin.